Posté le 21 mars 2022 par Marine Chevrel

Plus d’acheteurs que de vendeurs

Bien sûr, il y a un avant et un après Covid. Jusque-là, on dépensait pour son plaisir, voyages et loisirs en tête. Mais la crise – avec les confinements et limitations de déplacement – a empêché les sorties et recentré les personnes sur leur habitat. Notamment pour le travail, où chacun a dû aménager un coin chez soi pour continuer de participer à des réunions (en visio, donc) et poursuivre ses missions sans risque. Ainsi a-t-on privilégié la réfection de son intérieur et investi pour s’y sentir bien. De même, les espaces extérieurs ont été chouchoutés car offrant une échappatoire aux personnes enfermées. Celles qui en étaient privées ont mesuré leur importance et accepté d’y mettre le prix pour, à leur tour, avoir leur propre coin de verdure. Aux affamés de nature se sont ajoutés les travailleurs genevois notamment, qui, face aux prix prohibitifs exercés à la frontière et en Haute-Savoie, cèdent peu à peu du terrain et du temps de route pour vivre au calme. À moins d’une heure de leur travail, ils trouvent dans le Haut-Bugey un cadre de vie idéal.

« Il est aujourd’hui difficile de trouver des terrains à bâtir… et la hausse des taxes foncières en ville pousse les gens à s’éloigner. »

Car au-delà de l’image, polluée par les usines et malfamée – la faute à quelques-uns comme on en trouve ailleurs dans l’Ain -, « la région est agréable à vivre, plaide Virginie Di Ciocco, directrice d’une société de construction et native du bassin oyonnaxien : sans bouchons ni intempéries, desservie par de grands axes et à proximité de spots nature comme les lacs Genin et de Nantua ou les stations de ski ». Ils diffèrent selon le profil des acheteurs, bien sûr, mais les biens types recherchés aujourd’hui sont les pavillons de plain-pied avec terrain attenant, pour un budget moyen de 200 à 250 000 euros. « C’était le prix pour 100 m2 avec un terrain de 450 m2 il y a un an et demi… Depuis, ça a pris 10 à 15 % entre la hausse du foncier et le prix des matériaux qui explose. » Mais dans l’optique d’un confort accru à domicile, les acheteurs sont prêts à mettre plus cher qu’auparavant. Les critères étant devenus similaires, voire identiques pour tous les acheteurs, on note un phénomène de saturation du marché : l’offre est en non-adéquation avec la demande. Autrement dit, il y a plus d’acheteurs que de biens à vendre. « Les facteurs de vente sont les divorces, les séparations et les successions, identifie un négociateur immobilier du secteur. Mais pour vendre, il faut être sûr de pouvoir racheter derrière ! » Ainsi le fonds de roulement des agences a-t-il drastiquement baissé, pour n’offrir qu’un faible turnover.

On paie sa tranquillité

La révision du PLU dans les communes du Haut-Bugey a classé comme inconstructibles des zones auparavant réservées au développement périurbain. « Il est aujourd’hui difficile de trouver des terrains à bâtir, observe Léa Tavel, chez Transfert immobilier. Et la hausse des taxes foncières en ville pousse les gens à s’éloigner. » Opter pour des communes alentour, c’est aussi faire le choix de la tranquillité. Elle se paie cher et s’adresse notamment aux travailleurs des grandes villes éligibles au télétravail, qui apprécient de vivre dans un environnement naturel. « Ils trouvent ici un décor apaisé, serein », vante Virginie Di Ciocco. Il existe des parcelles disponibles hors des villes, excentrées donc au calme, pour les budgets confortables. D’autres plus modestes donnent accès à des habitats collectifs types lotissements. On voit d’ailleurs des programmes immobiliers éclore et trouver preneurs rapidement. Ils offrent le confort d’un logement individuel avec terrain et tous les services à côté. La densification est telle qu’elle réunit différents publics aux rythmes et coutumes qui diffèrent. Là encore, pour être seul…

Le boom des chantiers de rénovation

La pénurie de biens sur le marché du neuf incite aux chantiers de rénovation. Soit par la reprise totale des intérieurs, soit par leur extension. En toile de fond, l’augmentation du prix des matières premières et le renforcement des normes environnementales. « Au point que certains matériaux préconisés il y a encore quelques années sont devenus obsolètes, note Sébastien Chabod de la société Chabod SARL d’Arbent. L’accent est mis sur la performance du bâti et la réduction de l’impact carbone. » « Les plus grosses demandes concernent l’isolation et les systèmes de chauffage » indique quant à lui Romain Favre d’Atelier réno. Preuve que même auprès des particuliers, l’enjeu écologique – économique aussi, de par les économies d’énergie – entre en ligne de compte. C’est un point à combiner avec l’orientation et la taille des ouvertures. Une grande baie vitrée côté sud aidera à une bonne régulation thermique, avec une exploitation maximale de l’ensoleillement et, de fait, une sollicitation moindre de l’appareil de chauffage… donc moins de frais. Sur la disposition des pièces proprement dite, on veut trancher avec les maisons des années 50 à 70, « généralement construites en étages avec les pièces de vie au-dessus d’un atelier en rez-de-chaussée, et beaucoup de petites pièces ». Ainsi choisit-on de tout ouvrir pour un espace qui réunisse à la fois salon, salle à manger et cuisine. Au moins visuellement, grâce aux séparations type verrière ou claustra avec lames orientables. « On veut se sentir à l’aise, avoir du volume » assure Sébastien Chabod. La mode est aux maisons de plain-pied, mais l’étage permet de rentabiliser les petits terrains. On conserve au moins une chambre en bas, exploitée directement ou en prévision… avec généralement un étage dédié aux enfants ou sessions de jeu. Bien sûr, le contraste est roi. Celui des matériaux, avec une alliance ancien- moderne qui marche toujours, et celui des couleurs, avec des tons neutres rehaussés de quelques touches ou pans de murs plus affirmés.


Et côté banque ?

La tendance est aux courtiers. C’est aujourd’hui un gage pour obtenir de bons taux d’emprunt. D’obtenir un prêt tout court, car les conditions se sont durcies auprès des établissements bancaires. Là où les banques appréciaient un apport, au moins à la hauteur des frais de notaire, elles l’imposent désormais. Impossible donc de prétendre à l’achat d’un bien sans y mettre de sa poche. Les taux commencent d’ailleurs à remonter gentiment, alors s’il faut se lancer… c’est maintenant !

Dynacité mise sur l’extérieur

Spécialisé dans l’habitat collectif, le bailleur social note un frémissement de l’accession à la propriété ; notamment sur les maisons avec un extérieur. Côté location, « la demande est forte sur les grands appartements et petits pavillons ». Résultante de la crise qui a affecté durement les personnes privées d’espace extérieur. Ainsi Dynacité veille-t-il, dans ses travaux de réhabilitation, à intégrer désormais des balcons, pour que même en appartement, les habitants puissent profiter d’un accès à la nature. Quant à l’emplacement de ses logements, Dynacité privilégie les cœurs de ville. « Un public modeste préfèrera être à proximité directe des services, assure Nathalie Caron. D’autant plus avec l’envolée des prix de l’énergie. » D’ajouter qu’Oyonnax est une ville « plutôt tranquille, avec des équipements modernes et tous les services sur place ». La cité qui, après-guerre, accueillait sa main-d’œuvre, doit aujourd’hui composer avec des ouvriers retraités restés vivre là. Le bailleur social veut leur permettre de vivre le plus longtemps possible chez eux, dans un lieu agréable et dignement. Ça passe entre autres par la pose d’ascenseurs, l’adaptation des salles de bains et le choix d’emplacements stratégiques. « Notre rôle est bien là : apporter une solution de logement, tout au long de la vie. »