Posté le 20 mars 2023 par La Rédaction

Il y a les logiques, les sensés, les pragmatiques. Et il y a les instinctifs, les sauvages, les primaires… Nicolas Gascard est de ceux-là. Photographe, sinon artiste dans l’âme, il aime à se laisser porter par l’émotion d’une nature brute et sans artifice. 

Comme ce jour où, petit garçon, il se prend d’amour pour la foudre. Elle est intense, elle prend aux tripes. Et c’est elle qu’il suivra sans cesse, objectif en main, à la recherche de l’instant pur. Il y a 30 ans tout juste, l’orage a fait de sa puissance un signe. Celui qu’au-delà de la pratique, il y avait du mystique. « Une personne de ma famille était malade, on savait qu’elle ne s’en sortirait pas. Un jour, elle a dit qu’un orage terrible s’abattrait le jour de son départ. Et… le jour de l’enterrement, le ciel était déchaîné. » Trois ans plus tard, pellicule neuve en poche, Nicolas enfourchait son vélo pour s’en aller chasser l’orage. Il en ramènera son premier cliché. Premier d’une longue, longue série.

40 000 km parcourus chaque année

À mesure qu’il arpente la nature, Nicolas fuit les hommes. « Près de 40 000 km parcourus chaque année » dans des contrées toujours plus éloignées. Chaque fois, en quête de plus phénoménal. Orages et aurores boréales bien sûr, mais aussi aubes et crépuscules flamboyants. De ceux peignent le ciel l’espace d’un instant, et l’instant d’après disparaissent. Les animaux aussi, rois dans la nature reine. « C’est elle, qui est artiste. » Nicolas est resté petit garçon. Émerveillé devant la mer de nuages installée dans une vallée en contrebas. Ému par le passage tout près du chamois. « Il faut garder la magie ! Vivre et s’imprégner de ces instants comme d’autant de premières fois. » Il est dehors comme chez lui, heureux loin du monde, branché avec l’autour et l’au-delà. « Quand je n’y suis pas, je sens que j’en ai besoin ! » Alors il part, 13 kg de matériel sur le dos, battre le massif jurassien. Des frontières suisses à celles alpines. Il marche, s’arrête et attend. La nuit, le jour. Parfois plusieurs. Avec humilité, conscience du danger aussi. Mais sans l’envie d’y résister. « C’est comme une drogue ! » La prise d’une vague de nuages – phénomène unique que Nicolas a traqué longuement sur les radars météo, cartes des vents et webcams dont il est coutumier – sur les crêtes du Jura vaudois, constitue son plus beau souvenir (le cliché est d’ailleurs repris dans la dernière édition du mag’ Terre sauvage). En attendant la consécration d’un lynx adulte, proche et dans la brume. L’image est déjà dans sa tête. « C’est la quête ul- time. La récompense d’une vie… »

De ses travaux, Nicolas a bâti plusieurs ouvrages. Une expo, aussi, installée à Fort l’Écluse sur les orages. Même un calendrier. Son projet désormais, c’est un livre. Le Jura en toile de fond, les textes de Camille Lucidi en écho. « On dit qu’une image vaut mille mots. Je trouve au contraire que lui adjoindre du texte, c’est lui donner encore plus d’intensité… » Cent cinquante images en tout – « la sélection est difficile » – réparties en quatre chapitres, composeront l’ouvrage. Les orages en point de départ. Le jeu du clair-obscur ensuite. Puis l’heure bleue, cet instant de nuances folles un peu avant le lever, et un peu après le coucher du soleil. Le grand blanc, enfin, les pieds dans la neige et l’œil à ses détails. La forme se voudra minimaliste. Le fond, plein d’appels ; ceux à l’effort, à la contemplation, à l’instant. « La nature sait nous rappeler ce qui est essentiel. » Lui de le montrer avec brio, la volonté chevillée au corps de faire valoir les ressources du Jura comme trésor à découvrir. « C’est aussi spectaculaire que dans les grands massifs ! » La preuve en images…


Nicolas Gascard
www.nicolas-gascard.com/ Instagram : @nicolasgascard_photographies